THE REPUBLIC OF GUINEA
L'Exception Africaine


V.I.P. INTERVIEWS
Mme AISSATOU BELLA DIALLO Interview avec

Mme AISSATOU BELLA DIALLO

Directrice générale de la RTG (Radiodiffusion
Télévision Guinéenne)

7/04/2003
Question 1 : Mme Diallo, tout d'abord merci de nous recevoir pour cette interview. Pour commencer,
pourriez-vous nous retracer un peu l'historique de la RTG et son évolution ces dernières années ?


Réponse 1 : Tout d'abord, merci d'avoir pensé à nous, à la Radio Télévision Guinéenne. D'entrée de jeu, je peux vous dire que la RTG est un média d'Etat. Elle
comprend une radio diffusion nationale et une télévision nationale. La Radio Diffusion Nationale a été mise en service en 1958, année de l'indépendance Guinéenne ; mais il faut noter tout de suite qu'elle avait démarré sur les installations de la chaîne de Radio Banane. Radio Banane avait été mise en service en 1935 par la puissance coloniale, c'est-à-dire la France, parce qu'il fallait appuyer la culture et l'exportation de la banane. Donc la Radio Diffusion Nationale est partie de là.

De 1958 à 1984, cette radio a joué un très grand rôle dans la diffusion des messages du pouvoir révolutionnaire vers le peuple et l'extérieur. Ça, c'est l'époque de la première République avec le Président Sékou Touré. C'est dans ce cadre d'ailleurs qu'elle deviendra la Voix de la Révolution. Comme elle a joué ce rôle de diffuseur de messages du pouvoir en place vers les populations, vers l'extérieur, c'est ainsi qu'est née la Voix de la Révolution .

Les programmes de la radio comprennent 54 émissions hebdomadaires et quotidiennes, et ces programmes sont diffusés en français et langues nationales. Nous avons dix langues nationales reconnues et utilisées parce qu'elles touchent intégralement nos populations.
Quelles que soient leur religion, leur ethnie ou leur région géographique, nous utilisons nos langues pour véhiculer le message. Vous savez, la population guinéenne est quasi analphabète. Donc nous utilisons beaucoup plus nos langues nationales pour véhiculer le
message, pour faire comprendre, par exemple, au paysan qui est à Kindia ou à Labé ce qui se passe, quel est le problème ; et en contre-partie, nous leur tendons aussi le micro, ils nous parlent de leur quotidien, dans leurs langues. Nous avons pensé qu'il faut utiliser la langue même du terroir. Donc, c'est
ainsi que le paysan qui est à Labé utilise le Poular dans les émissions. Ces émissions, que ça soit sur le plan de la santé, de l'environnement ou de la pêche,
on lui parle, il comprend, il capte mieux le message que nous voulons lui transmettre. La radio diffusion est aujourd'hui un important moyen d'information, de sensibilisation, d'éducation et de distraction interactif. Elle émet 18/24 heures, 7/7 jours, de 6h à
0h. Elle diffuse par satellite, via un réseau FM, et dispose d'une onde courte (41 mètres), soit 7.125 KHz. Il y a des éditions d'informations. Nous avons une édition qui passe à 6h45, une à 12h45, et une autre à
16h15, 19h45 et 22h. Généralement pour l'édition de 22h, nous recevons des appels de nos envoyés spéciaux qui sont à l'intérieur du pays. Donc l'édition de 22h est essentiellement consacrée aux activités de nos préfectures, de nos régions administratives. Il y a également des flashs d'information horaires, la matinée puis à 15h, 18h, 19h et 23h50.

En ce qui concerne le personnel de la Radio et de la Télévision, nous avons 246 agents, tous profils et toutes hiérarchies confondus.

S'agissant de la Télévision Nationale, elle a vu le jour en Mai 1977, sur la base d'un don libyen. Les premières installations étaient constituées de matériel Ampex et Marconi. Nous étions en noirs et blancs à l'époque. Le système était SECAM, nous utilisions les lourdes bandes vidéo 2 pouces que vous
connaissez, et il y avait également des projecteurs de télé-cinéma, des 16 et 35 mm. Mais plus tard, avec la coopération allemande, nous avons changé de système.
La télévision guinéenne passera au système PAL. Aujourd'hui, grâce à la coopération avec le Japon, tous nos équipements ont été changés. Nous sommes sur
le numérique maintenant, on a été bien ré-équipés.

La télévision Nationale est logée dans la maison de la radio. En fait, avant, il n'y avait pas de maison de télévision. C'est un studio de production de la radio que nous avons transformé. Mais grâce aussi à la
coopération tous azimuts avec la Chine, nous avons une nouvelle maison de Radio Télévision Guinéenne qui est située sur le site de Koloma et que nous allons inaugurer prochainement, peut-être dans 4 mois.

Malgré le fait que la télévision soit logée dans un endroit plus ou moins étroit, elle fait du bon travail sur la base d'un personnel qualifié et disponible. Les prestations sont correctes. Je me souviens, quand il y a eu un concours de journal télévisé, en 1998, nous avons eu le premier prix du meilleur journal. Nous
avons été primés et on a eu la caméra d'or. Donc, c'est vous dire que le personnel, le potentiel humain, il existe. Les gens sont motivés. Parce vous n'êtes pas sans savoir qu'aujourd'hui, on ne peut pas parler
de développement d'un pays sans parler de
communication. Et c'est essentiel que nous ayons des radios, des télévisions. C'est le lieu aussi de saluer le gouvernement du Général Lansana Conté qui a tout mis en œuvre pour qu'on ait des radios rurales qui
sont d'ailleurs plus proches de nos populations.

Au niveau de la RTG, nous avons des troupes
artistiques qui font des productions dans nos langues nationales. Ces productions sont surtout axées sur le quotidien du guinéen. Ça, c'est très important, c'est le lieu de les saluer d'ailleurs. Car elle nous permettent d'avoir des programmes publics de qualité.
Le Mali, le Sénégal à un moment donné, venaient au niveau de la RTG pour savoir comment on a pu organiser ces troupes théâtrales. Nous avons Pèssè qui parle en
Soussou, nous avons Leourdjèrè qui parle la langue Poular, Sodia qui parle Maninka et ainsi de suite. C'est un acquis pour nous, parce que lorsque nous voulons véhiculer un message, par exemple sur le sida, nous les appelons, on discute avec ces troupes, on
leur explique ce qu'il y a lieu de faire, elles font la chose en sorte de théâtre, et ça passe vraiment bien.

Question 2 : Vous avez fait installer une antenne parabolique en septembre 2002 dans l'enceinte de la RTG, ce qu'on appelle la " montée satellitaire ". Est-ce que l'installation de cette antenne marque le début d'une nouvelle ère ?

Réponse 2 : Oui, bien sûr. Nous saluons l'avènement de la montée satellitaire pour 2 choses. D'abord, parce que nous arrivons maintenant à couvrir l'ensemble du pays. Avant, ce n'était pas tout le monde qui pouvait suivre la télévision. Aujourd'hui toutes nos préfectures sont en mesure de suivre les images que nous diffusons.

Deuxièmement, la montée satellitaire nous permet de véhiculer notre message à l'extérieur. Ceux qui sont à l'extérieur. comme ils n'ont pas d'autres alternatives, ils sont obligés d'écouter certaines radios ce sont seulement les messages que ces radios
passent qu'ils prenaient en ligne de compte.
Aujourd'hui, ils ont la possibilité de capter la
Guinée, d'écouter notre son. Donc, la couverture intégrale du pays et surtout le transport de notre message vers l'extérieur sont une excellente chose . Comme vous le dîtes, les investisseurs qui veulent venir en Guinée, ont un moyen pour s'informer, et
savoir ce qui se passe en Guinée. C'est vrai que nous ne sommes pas un pays très développé. Tout n'est pas rose, mais tout n'est pas mauvais non plus.
Malheureusement, il y a certaines presses ou certainespersonnes qui se plaisent à raconter beaucoup de choses sur la Guinée. Donc, qu'il y ait une autre source d'informations sur la Guinée, véhiculé par la Guinée même, je pense que c'est très important.

Question 3 : Au niveau des projets de la RTG, vous nous avez parlé de la construction de nouveaux locaux.
Avez-vous d'autres projets en cours de réalisation ?


Réponse 3 : Nous venons de créer une nouvelle chaîne de radio qu'on appelle la R.G.I, Radio Guinée Internationale, il y a de cela deux mois. Elle est déjà fonctionnelle, elle a son personnel. Elle a sa vocation libérale. Pourquoi je dis libérale ? Par
rapport à la Radio Nationale par exemple, on peut passer toutes sortes de musique.

Alors qu'à la radio nationale quand même, nous nous sommes dit qu'il faut faire la promotion de la musique guinéenne. La R.G.I est là et fonctionne sur un programme de 35 émissions. Elle fait déjà son bulletin
presque chaque heure. C'est un projet que nous avons vu naître et qui est devenu maintenant une réalité.

Au niveau de la télévision dans chaque gouvernorat, nous avons une équipe composée d'un cameramen, d'un journaliste et d'un monteur. Ils recueillent le informations de la localité, et nous envoient ces
informations, que nous diffusons .Mais pourquoi pas, plus tard, ne pas avoir des maisons de relais, au lieu que ça soit les 3 personnes qui nous envoient des bandes ? Pourquoi ne pas s'installer là-bas, à l'image
des autres pays ? Parce que comme je vous l'ai dit tout au début, on ne peut pas parler de développement sans communication. Et je sais que le gouvernement aussi se bat. Certainement les Radios et les Télévisions privées, Ça existe au Mali, au Sénégal et
un peu partout. pourquoi pas en Guinée ? Nous saluerons l'avènement de toutes ces chaînes. C'est un peu à l'image de ce qui se passe au niveau de la presse privée. Aujourd'hui, vous avez une
prolifération de titres. C'est important que chacun voit la Guinée sous un autre angle, et moi je suis d'accord qu'il y ait des critiques pourvu qu'elles soient objectives.

Question 4 : Est-ce la volonté de la RTG de développer ces radios et ces chaînes de télévision indépendantes?

Réponse 4 : la RTG ne peut pas être contre. Pourquoi la RTG va t-elle être contre ? La RTG le veut et je sais que le gouvernement s'y attèle. Au moment où je
vous parle, je sais qu'il est question de ça. Tout dernièrement, à la session de l'Assemblée Nationale, il a été question des radios privées, de télévisions privées. Donc, je me dis que c'est intéressant qu'il y ait beaucoup de sources d'information. C'est une décision politique, c'est normal. Et je sais que le Général Lansana Conté ne peut pas refuser. Pourquoi il va le refuser ? Les gens disent que la Guinée est fermée, ce n'est pas vrai. Les critiques que la presse écrite formule en Guinée, ils n'y vont pas de mains
mortes.Il faut remercier et féliciter le gouvernement du Général Lansana Conté ; parce qu'avant, ça n'existait pas. Avant, le journal c'était une heure, deux heures de temps sur un seul sujet. Aujourd'hui tu
peux attaquer, tu peux dire quand ça ne va pas. Moi, je suis Directrice Générale. De l'université, on m'a affecté ici. Je suis venue, j'ai gravi tous les échelons. Je sais comment ça se passait et comment ça se passe actuellement. Quand on envoie une lettre pour la couverture d'un évènement, le rédacteur en chef envoie ses gens, et c'est lui qui sait ce qu'il doit diffuser. C'est lui qui décide avec son personnel. Le Président de la République, le Ministère de la
Communication ne l'ont jamais appelé pour lui dire : "non, tu ne diffuses pas ". Non, je vous le dis et c'est formel. C'est vrai que peut-être chaque journal a sa ligne éditorial qu'il faut respecter, il faut le reconnaître. Même vous, vous savez ce que vous devez
dire et ce que vous ne devez pas dire. Mais je n'ai jamais reçu de pression pour me dire : " non, tu ne diffuses pas ça ". Peut-être qu'il y a une autocensure, mais de la part du pouvoir, non. Seulement nous savons, voilà la ligne éditoriale de la RTG, nous devons la respecter et nous la respectons. Mais je n'ai jamais reçu de pression pour me dire : "
non, tu dois diffuser tel élément, tu ne dois pas diffuser tel élément ". Souvent avec nos positions, nous avons quelques petits problèmes. Pourquoi ? parce qu'on ne réfute pas ce qu'ils disent. Mais moi, je suis un média d'Etat. Je viens, tu parles, je prends
un extrait et au moment de la diffusion je dis " je propose un extrait ". Cela ne veut pas dire que tout de suite je suis obligée de diffuser l'intégralité de ce que tu me dis. Je suis libre de choisir, de diffuser dans ce que tu as dis, la partie qui m'intéresse, et je le fais.

Question 5 : des stages de formation et du matériel avaient été accordés à la R.T.G par l'ex-RDA ; la Chine, la France, et le Canada ont également supporté le développement de la RTG. Est-ce que vous considérez la collaboration internationale comme un point véritablement essentiel dans le cadre du développement des moyens de communication?

Réponse 5 : C'est plus qu'important, c'est une nécessité. Nous ne pouvons pas nous passer de cette coopération. Je vous ai expliqué tout à l'heure. Nous sommes partis de la télévision en noir et blanc, aujourd'hui nous sommes sur le numérique. La
technologie avance, il faut quand même qu'il y ait coopération. Nous en avons besoin. D'abord pour la formation. Aujourd'hui je vous parle, nous allons déménager dans la nouvelle maison de la RTG mais j'ai
un problème qui est très sérieux :le passage de l'analogique au numérique . Nous avons besoin du Canada, de la France, et de tous ceux qui peuvent nous apporter quelque chose, surtout dans le cadre de la formation. Nous allons déménager là-bas, mais nos gens n'ont aucune formation dans ce sens. La dernière fois, c'est le CIRTEF qui m'a envoyé deux experts. Dans le cadre de la montée satellitaire, on a fait une formation sur place. Nous en avons envoyé quelques uns
aux Etats-unis avec la société Vertex, mais c'est essentiel. Tous les jours ça change, tous les jours il faut se remettre en question. Si nous voulons être au diapason de nos occupations, si nous voulons tenir la
concurrence, nous sommes obligés de nous remettre en question, de taper à la porte des pays amis pour nous apporter un peu, surtout dans le cadre de la formation. Ça c'est essentiel. On ne peut pas parler
de radio, de télévision sans la formation, des
techniciens et des journalistes. Alors aujourd'hui, au niveau de la RTG, le goulot d'étranglement se situe à ce niveau. Nous en avons besoin et c'est d'ailleurs le lieu de lancer un appel à la France, au Canada, à la
Chine et à tous ces pays amis, pour qu'ils nous aides dans le cadre de la formation.

Question 6 : Quel serait votre message final aux lecteurs de l'EXPRESS, aux investisseurs potentiels, aux éventuels partenaires internationaux ?

Réponse 6 : Le message qu'on peut leur dire, c'est que la RTG, comme tous les médias du monde, propose des informations et des programmes pour satisfaire la demande du public. Au niveau de l'Express, au niveau
des investisseurs, ce que je leur demande, c'est de venir en Guinée, c'est de venir voir la Guinée, venir vivre la Guinée. Il y a beaucoup de choses à faire en Guinée. C'est un pays ouvert. La RTG, quant à elle est
un media d'Etat, c'est vrai ; mais elle est ouverte aussi. Nous avons besoin des autres pour nous développer, nous avons besoin des avis des autres pour rectifier le tir. Personne n'est parfait ; mais en plus de ça, nous avons besoin des critiques aussi.

Aux investisseurs, aux lecteurs de l'Express, nous disons de venir en Guinée. Il y a beaucoup de choses à voir en guinée. Que ce soit sur le plan de l'environnement, je veux parler de la flore, de la faune. C'est un scandale géologique qu'il faut nécessairement visiter et voir. Quant à la population
guinéenne, elle est accueillante, elle est au service de tout le monde ; surtout lorsqu'un étranger se déplace pour venir en Guinée, il est le bienvenu.

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