Question 1 :
Mme Diallo, tout d'abord merci de nous recevoir
pour cette interview. Pour commencer,
pourriez-vous nous retracer un peu l'historique
de la RTG et son évolution ces dernières
années ?
Réponse 1 : Tout d'abord, merci
d'avoir pensé à nous, à
la Radio Télévision Guinéenne.
D'entrée de jeu, je peux vous dire
que la RTG est un média d'Etat. Elle
comprend une radio diffusion nationale et
une télévision nationale. La
Radio Diffusion Nationale a été
mise en service en 1958, année de l'indépendance
Guinéenne ; mais il faut noter tout
de suite qu'elle avait démarré
sur les installations de la chaîne de
Radio Banane. Radio Banane avait été
mise en service en 1935 par la puissance coloniale,
c'est-à-dire la France, parce qu'il
fallait appuyer la culture et l'exportation
de la banane. Donc la Radio Diffusion Nationale
est partie de là.
De 1958 à 1984, cette radio a joué
un très grand rôle dans la diffusion
des messages du pouvoir révolutionnaire
vers le peuple et l'extérieur. Ça,
c'est l'époque de la première
République avec le Président
Sékou Touré. C'est dans ce cadre
d'ailleurs qu'elle deviendra la Voix de la
Révolution. Comme elle a joué
ce rôle de diffuseur de messages du
pouvoir en place vers les populations, vers
l'extérieur, c'est ainsi qu'est née
la Voix de la Révolution .
Les programmes de la radio comprennent 54
émissions hebdomadaires et quotidiennes,
et ces programmes sont diffusés en
français et langues nationales. Nous
avons dix langues nationales reconnues et
utilisées parce qu'elles touchent intégralement
nos populations.
Quelles que soient leur religion, leur ethnie
ou leur région géographique,
nous utilisons nos langues pour véhiculer
le message. Vous savez, la population guinéenne
est quasi analphabète. Donc nous utilisons
beaucoup plus nos langues nationales pour
véhiculer le
message, pour faire comprendre, par exemple,
au paysan qui est à Kindia ou à
Labé ce qui se passe, quel est le problème
; et en contre-partie, nous leur tendons aussi
le micro, ils nous parlent de leur quotidien,
dans leurs langues. Nous avons pensé
qu'il faut utiliser la langue même du
terroir. Donc, c'est
ainsi que le paysan qui est à Labé
utilise le Poular dans les émissions.
Ces émissions, que ça soit sur
le plan de la santé, de l'environnement
ou de la pêche,
on lui parle, il comprend, il capte mieux
le message que nous voulons lui transmettre.
La radio diffusion est aujourd'hui un important
moyen d'information, de sensibilisation, d'éducation
et de distraction interactif. Elle émet
18/24 heures, 7/7 jours, de 6h à
0h. Elle diffuse par satellite, via un réseau
FM, et dispose d'une onde courte (41 mètres),
soit 7.125 KHz. Il y a des éditions
d'informations. Nous avons une édition
qui passe à 6h45, une à 12h45,
et une autre à
16h15, 19h45 et 22h. Généralement
pour l'édition de 22h, nous recevons
des appels de nos envoyés spéciaux
qui sont à l'intérieur du pays.
Donc l'édition de 22h est essentiellement
consacrée aux activités de nos
préfectures, de nos régions
administratives. Il y a également des
flashs d'information horaires, la matinée
puis à 15h, 18h, 19h et 23h50.
En ce qui concerne le personnel de la Radio
et de la Télévision, nous avons
246 agents, tous profils et toutes hiérarchies
confondus.
S'agissant de la Télévision
Nationale, elle a vu le jour en Mai 1977,
sur la base d'un don libyen. Les premières
installations étaient constituées
de matériel Ampex et Marconi. Nous
étions en noirs et blancs à
l'époque. Le système était
SECAM, nous utilisions les lourdes bandes
vidéo 2 pouces que vous
connaissez, et il y avait également
des projecteurs de télé-cinéma,
des 16 et 35 mm. Mais plus tard, avec la coopération
allemande, nous avons changé de système.
La télévision guinéenne
passera au système PAL. Aujourd'hui,
grâce à la coopération
avec le Japon, tous nos équipements
ont été changés. Nous
sommes sur
le numérique maintenant, on a été
bien ré-équipés.
La télévision Nationale est
logée dans la maison de la radio. En
fait, avant, il n'y avait pas de maison de
télévision. C'est un studio
de production de la radio que nous avons transformé.
Mais grâce aussi à la
coopération tous azimuts avec la Chine,
nous avons une nouvelle maison de Radio Télévision
Guinéenne qui est située sur
le site de Koloma et que nous allons inaugurer
prochainement, peut-être dans 4 mois.
Malgré le fait que la télévision
soit logée dans un endroit plus ou
moins étroit, elle fait du bon travail
sur la base d'un personnel qualifié
et disponible. Les prestations sont correctes.
Je me souviens, quand il y a eu un concours
de journal télévisé,
en 1998, nous avons eu le premier prix du
meilleur journal. Nous
avons été primés et on
a eu la caméra d'or. Donc, c'est vous
dire que le personnel, le potentiel humain,
il existe. Les gens sont motivés. Parce
vous n'êtes pas sans savoir qu'aujourd'hui,
on ne peut pas parler
de développement d'un pays sans parler
de
communication. Et c'est essentiel que nous
ayons des radios, des télévisions.
C'est le lieu aussi de saluer le gouvernement
du Général Lansana Conté
qui a tout mis en uvre pour qu'on ait
des radios rurales qui
sont d'ailleurs plus proches de nos populations.
Au niveau de la RTG, nous avons des troupes
artistiques qui font des productions dans
nos langues nationales. Ces productions sont
surtout axées sur le quotidien du guinéen.
Ça, c'est très important, c'est
le lieu de les saluer d'ailleurs. Car elle
nous permettent d'avoir des programmes publics
de qualité.
Le Mali, le Sénégal à
un moment donné, venaient au niveau
de la RTG pour savoir comment on a pu organiser
ces troupes théâtrales. Nous
avons Pèssè qui parle en
Soussou, nous avons Leourdjèrè
qui parle la langue Poular, Sodia qui parle
Maninka et ainsi de suite. C'est un acquis
pour nous, parce que lorsque nous voulons
véhiculer un message, par exemple sur
le sida, nous les appelons, on discute avec
ces troupes, on
leur explique ce qu'il y a lieu de faire,
elles font la chose en sorte de théâtre,
et ça passe vraiment bien.
Question 2 : Vous avez fait installer une
antenne parabolique en septembre 2002 dans
l'enceinte de la RTG, ce qu'on appelle la
" montée satellitaire ".
Est-ce que l'installation de cette antenne
marque le début d'une nouvelle ère
?
Réponse 2 : Oui, bien sûr.
Nous saluons l'avènement de la montée
satellitaire pour 2 choses. D'abord, parce
que nous arrivons maintenant à couvrir
l'ensemble du pays. Avant, ce n'était
pas tout le monde qui pouvait suivre la télévision.
Aujourd'hui toutes nos préfectures
sont en mesure de suivre les images que nous
diffusons.
Deuxièmement, la montée satellitaire
nous permet de véhiculer notre message
à l'extérieur. Ceux qui sont
à l'extérieur. comme ils n'ont
pas d'autres alternatives, ils sont obligés
d'écouter certaines radios ce sont
seulement les messages que ces radios
passent qu'ils prenaient en ligne de compte.
Aujourd'hui, ils ont la possibilité
de capter la
Guinée, d'écouter notre son.
Donc, la couverture intégrale du pays
et surtout le transport de notre message vers
l'extérieur sont une excellente chose
. Comme vous le dîtes, les investisseurs
qui veulent venir en Guinée, ont un
moyen pour s'informer, et
savoir ce qui se passe en Guinée. C'est
vrai que nous ne sommes pas un pays très
développé. Tout n'est pas rose,
mais tout n'est pas mauvais non plus.
Malheureusement, il y a certaines presses
ou certainespersonnes qui se plaisent à
raconter beaucoup de choses sur la Guinée.
Donc, qu'il y ait une autre source d'informations
sur la Guinée, véhiculé
par la Guinée même, je pense
que c'est très important. |
Question 3 : Au niveau des projets de
la RTG, vous nous avez parlé de la
construction de nouveaux locaux.
Avez-vous d'autres projets en cours de réalisation
?
Réponse 3 : Nous venons de
créer une nouvelle chaîne de
radio qu'on appelle la R.G.I, Radio Guinée
Internationale, il y a de cela deux mois.
Elle est déjà fonctionnelle,
elle a son personnel. Elle a sa vocation
libérale. Pourquoi je dis libérale
? Par
rapport à la Radio Nationale par
exemple, on peut passer toutes sortes de
musique.
Alors qu'à la radio nationale quand
même, nous nous sommes dit qu'il faut
faire la promotion de la musique guinéenne.
La R.G.I est là et fonctionne sur
un programme de 35 émissions. Elle
fait déjà son bulletin
presque chaque heure. C'est un projet que
nous avons vu naître et qui est devenu
maintenant une réalité.
Au niveau de la télévision
dans chaque gouvernorat, nous avons une
équipe composée d'un cameramen,
d'un journaliste et d'un monteur. Ils recueillent
le informations de la localité, et
nous envoient ces
informations, que nous diffusons .Mais pourquoi
pas, plus tard, ne pas avoir des maisons
de relais, au lieu que ça soit les
3 personnes qui nous envoient des bandes
? Pourquoi ne pas s'installer là-bas,
à l'image
des autres pays ? Parce que comme je vous
l'ai dit tout au début, on ne peut
pas parler de développement sans
communication. Et je sais que le gouvernement
aussi se bat. Certainement les Radios et
les Télévisions privées,
Ça existe au Mali, au Sénégal
et
un peu partout. pourquoi pas en Guinée
? Nous saluerons l'avènement de toutes
ces chaînes. C'est un peu à
l'image de ce qui se passe au niveau de
la presse privée. Aujourd'hui, vous
avez une
prolifération de titres. C'est important
que chacun voit la Guinée sous un
autre angle, et moi je suis d'accord qu'il
y ait des critiques pourvu qu'elles soient
objectives.
Question 4 : Est-ce la volonté
de la RTG de développer ces radios
et ces chaînes de télévision
indépendantes?
Réponse 4 : la RTG ne peut
pas être contre. Pourquoi la RTG va
t-elle être contre ? La RTG le veut
et je sais que le gouvernement s'y attèle.
Au moment où je
vous parle, je sais qu'il est question de
ça. Tout dernièrement, à
la session de l'Assemblée Nationale,
il a été question des radios
privées, de télévisions
privées. Donc, je me dis que c'est
intéressant qu'il y ait beaucoup
de sources d'information. C'est une décision
politique, c'est normal. Et je sais que
le Général Lansana Conté
ne peut pas refuser. Pourquoi il va le refuser
? Les gens disent que la Guinée est
fermée, ce n'est pas vrai. Les critiques
que la presse écrite formule en Guinée,
ils n'y vont pas de mains
mortes.Il faut remercier et féliciter
le gouvernement du Général
Lansana Conté ; parce qu'avant, ça
n'existait pas. Avant, le journal c'était
une heure, deux heures de temps sur un seul
sujet. Aujourd'hui tu
peux attaquer, tu peux dire quand ça
ne va pas. Moi, je suis Directrice Générale.
De l'université, on m'a affecté
ici. Je suis venue, j'ai gravi tous les
échelons. Je sais comment ça
se passait et comment ça se passe
actuellement. Quand on envoie une lettre
pour la couverture d'un évènement,
le rédacteur en chef envoie ses gens,
et c'est lui qui sait ce qu'il doit diffuser.
C'est lui qui décide avec son personnel.
Le Président de la République,
le Ministère de la
Communication ne l'ont jamais appelé
pour lui dire : "non, tu ne diffuses
pas ". Non, je vous le dis et c'est
formel. C'est vrai que peut-être chaque
journal a sa ligne éditorial qu'il
faut respecter, il faut le reconnaître.
Même vous, vous savez ce que vous
devez
dire et ce que vous ne devez pas dire. Mais
je n'ai jamais reçu de pression pour
me dire : " non, tu ne diffuses pas
ça ". Peut-être qu'il
y a une autocensure, mais de la part du
pouvoir, non. Seulement nous savons, voilà
la ligne éditoriale de la RTG, nous
devons la respecter et nous la respectons.
Mais je n'ai jamais reçu de pression
pour me dire : "
non, tu dois diffuser tel élément,
tu ne dois pas diffuser tel élément
". Souvent avec nos positions, nous
avons quelques petits problèmes.
Pourquoi ? parce qu'on ne réfute
pas ce qu'ils disent. Mais moi, je suis
un média d'Etat. Je viens, tu parles,
je prends
un extrait et au moment de la diffusion
je dis " je propose un extrait ".
Cela ne veut pas dire que tout de suite
je suis obligée de diffuser l'intégralité
de ce que tu me dis. Je suis libre de choisir,
de diffuser dans ce que tu as dis, la partie
qui m'intéresse, et je le fais.
Question 5 : des stages de formation
et du matériel avaient été
accordés à la R.T.G par l'ex-RDA
; la Chine, la France, et le Canada ont
également supporté le développement
de la RTG. Est-ce que vous considérez
la collaboration internationale comme un
point véritablement essentiel dans
le cadre du développement des moyens
de communication?
Réponse 5 : C'est plus qu'important,
c'est une nécessité. Nous ne
pouvons pas nous passer de cette coopération.
Je vous ai expliqué tout à l'heure.
Nous sommes partis de la télévision
en noir et blanc, aujourd'hui nous sommes
sur le numérique. La
technologie avance, il faut quand même
qu'il y ait coopération. Nous en
avons besoin. D'abord pour la formation.
Aujourd'hui je vous parle, nous allons déménager
dans la nouvelle maison de la RTG mais j'ai
un problème qui est très sérieux
:le passage de l'analogique au numérique
. Nous avons besoin du Canada, de la France,
et de tous ceux qui peuvent nous apporter
quelque chose, surtout dans le cadre de
la formation. Nous allons déménager
là-bas, mais nos gens n'ont aucune
formation dans ce sens. La dernière
fois, c'est le CIRTEF qui m'a envoyé
deux experts. Dans le cadre de la montée
satellitaire, on a fait une formation sur
place. Nous en avons envoyé quelques
uns
aux Etats-unis avec la société
Vertex, mais c'est essentiel. Tous les jours
ça change, tous les jours il faut
se remettre en question. Si nous voulons
être au diapason de nos occupations,
si nous voulons tenir la
concurrence, nous sommes obligés
de nous remettre en question, de taper à
la porte des pays amis pour nous apporter
un peu, surtout dans le cadre de la formation.
Ça c'est essentiel. On ne peut pas
parler
de radio, de télévision sans
la formation, des
techniciens et des journalistes. Alors aujourd'hui,
au niveau de la RTG, le goulot d'étranglement
se situe à ce niveau. Nous en avons
besoin et c'est d'ailleurs le lieu de lancer
un appel à la France, au Canada,
à la
Chine et à tous ces pays amis, pour
qu'ils nous aides dans le cadre de la formation.
Question 6 : Quel serait votre message
final aux lecteurs de l'EXPRESS, aux investisseurs
potentiels, aux éventuels partenaires
internationaux ?
Réponse 6 : Le message qu'on
peut leur dire, c'est que la RTG, comme tous
les médias du monde, propose des informations
et des programmes pour satisfaire la demande
du public. Au niveau de l'Express, au niveau
des investisseurs, ce que je leur demande,
c'est de venir en Guinée, c'est de
venir voir la Guinée, venir vivre
la Guinée. Il y a beaucoup de choses
à faire en Guinée. C'est un
pays ouvert. La RTG, quant à elle
est
un media d'Etat, c'est vrai ; mais elle
est ouverte aussi. Nous avons besoin des
autres pour nous développer, nous
avons besoin des avis des autres pour rectifier
le tir. Personne n'est parfait ; mais en
plus de ça, nous avons besoin des
critiques aussi.
Aux investisseurs, aux lecteurs de l'Express,
nous disons de venir en Guinée. Il
y a beaucoup de choses à voir en
guinée. Que ce soit sur le plan de
l'environnement, je veux parler de la flore,
de la faune. C'est un scandale géologique
qu'il faut nécessairement visiter
et voir. Quant à la population
guinéenne, elle est accueillante,
elle est au service de tout le monde ; surtout
lorsqu'un étranger se déplace
pour venir en Guinée, il est le bienvenu.
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